Slow travel au Pérou: le projet de Romain et Marycielo

Tourisme alternatif et responsable

En 2020, Romain, originaire du Berry en France, et son épouse Marycielo ont décidé de s’installer au village de Palma Real (province de La Convencion, département de Cusco).

Ils habitent sur les terres d’enfance de Marycielo, dans la ferme de son père, en pleine nature, au sommet d’une montagne tropicale.

Depuis 2022, ils y ont développé un projet de tourisme alternatif et responsable dans le cadre duquel ils proposent chambre d’hôte et séjours chez l’habitants, à la ferme.

J’avais envie d’en savoir plus, et Romain a pris le temps de répondre à mes questions:

D’où t’est venue l’envie de fonder Chunchu Wasi?

L’idée de fonder notre projet Chunchu Wasi (mars 2022) fut commune avec Marycielo, elle a d’abord planté la première graine du projet et je l’ai accompagnée à le faire mûrir.

Lors de notre rencontre en 2017, à Cusco, elle me parlait déjà de sa terre d’enfance qui était un petit coin de paradis, qu’elle souhaitait un jour pouvoir accueillir les voyageurs, leur ouvrir les portes de ce havre de paix ainsi que leur faire partager la vie locale et les trésors de la nature qui l’entourait.

Puis nous sommes partis pour deux ans en Europe, pour travailler, économiser et réfléchir à notre projet.

En 2018, nous sommes venus passer des vacances dans sa famille, occasion pour moi de découvrir cet endroit dont elle me parlait avec tant de passion.

Dès mon arrivée à la ferme, je suis tombé sous le charme: cet isolement en pleine nature et l’ambiance tropicale qui la caractérise, les panoramas spectaculaires à observer…

Tout est devenu plus concret et j’ai pu rejoindre Marycielo sur l’idée de partager ce lieu aux voyageurs.

Je me rappelle de mon beau-père qui un matin, au réveil, m’emmena voir son champ de cacao en me parlant d’une graine dont j’ignorais tout malgré l’appétence que je connaissais pour le chocolat, puis nous avions torréfié les fèves pour confectionner une barre de cacao qu’il m’a offert pour ramener en europe, je me rappelle de l’émotion qui m’envahit ce jour là et moi de lui confesser:

« Tu sais papi, il y a des gens qui viendraient de France juste pour connaître ce que tu viens de me faire vivre  là! »

Le projet Chunchu Wasi est avant tout un projet de vie, le nôtre, celui de venir s’installer en pleine nature et d’y faire notre vie: se reconnecter à des éléments qui nous semblaientt plus essentiels: gagner en tranquillité, en liberté et en autonomie.

Mais pour la partie « tourisme », il est surtout né du désir de PARTAGER, D’ACCUEILLIR et de faire vivre une EXPÉRIENCE.

Pour ma part je me suis beaucoup servi des deux principales carrières professionnelles que j’avais connues en Europe: la première comme animateur/éducateur dans le loisirs et le sport (5 ans) et la seconde dans l’hôtellerie de luxe principalement à l’accueil (10 ans).

D’un côté j’ai appris à prendre en main des groupe de personnes pour mener des activités avec pédagogie et responsabilité et de l’autre côté l’exigence et le professionnalisme dans l’accueil et le service de qualité.

Puis, mes différents périples en Amérique Latine (2 ans de voyage en cumulé), dans le rôle du voyageur, ont fini de compléter un cursus riche et important pour mener cette nouvelle activité.

J’ai toujours eu en moi cette envie de transmettre, de partager et de raconter.

Marycielo, se sert de sa connaissance du contexte et de la culture péruvienne pour installer durablement notre projet dans le paysage local et assurer l’impact positif de nos actions autour de nous.

Elle utilise aussi sa maîtrise et son talent pour la cuisine locale: c’est elle qui s’occupe de la partie « repas » de notre chambre d’hôte et elle a déjà conquis de nombreux palais qui lui reconnaissent d’être un porte-drapeau de la gastronomie péruvienne, car elle propose une véritable expérience culinaire aux visiteurs de Chunchu Wasi.

Que signifie Chunchu Wasi?

Nous souhaitions un nom qui rappelle la vie authentique du lieu, son histoire, avec une once de nostalgie face à tous les changements, pas toujours positifs, que connaissent des coins aussi reculés que ceux de la ferme où nous vivons.

Chunchu Wasi vient de deux mots quechua, une des principales langues natives au Pérou:

• Chunchu fait référence à ce qui est Amazonien, ou bien, pour les locaux cela renvoie à ce qui est local en opposition à ce qui peut venir d’ailleurs
• Wasi signifie « Maison »

Chunchu Wasi n’a pas vraiment de traduction si ce n’est « le lieu d’ici » ou « l’endroit comme c’était avant ».

Que proposez-vous aux voyageurs?

Nous proposons avant tout aux voyageurs une expérience hors des circuits touristiques classiques, une expérience authentique en pleine nature au cœur d’une ferme péruvienne.

Mais surtout une expérience en accord avec les valeurs et principes que nous avons quant à l’idée du tourisme.

Par exemple, nous louons seulement deux chambres à la ferme, donc pas de grands groupes ici, mais un séjour « familial », exclusif et privatif.

Ensuite, nous travaillons sous forme de séjours de plusieurs nuits où nous proposons différentes activités.

Souhaitant mettre le visiteur au centre de son séjour afin qu’il soit acteur de son aventure chez nous, nous dessinons en amont et conjointement les contours de son séjour puis, une fois sur place nous respectons ses envies avec flexibilité et adaptabilité.

En terme d’activités, nous avons trois thématiques principales :

La première traite de l’univers de la ferme: qu’est ce qu’une ferme traditionnelle péruvienne en environnement tropicale, ce que l’on cultive, l’histoire des produits (également la dégustation à travers les plats de Marycielo), mais aussi la réalité des fermiers péruviens de notre lieu, la place de l’agriculture dans la politique d’état, son impact et ses limites

La deuxième est de proposer une véritable immersion dans l’univers du café et du cacao, que nous cultivons également à la ferme: voir tout ce qu’il se passe depuis la récolte jusqu’à la consommation, avec des parties théoriques ou des activités pratiques comme celle de confectionner sa propre barre 100% cacao

La troisième est de sortir un peu de la ferme à travers des propositions de balades ou de randonnées à la demi-journée ou pour la journée (cascades, montagne, observation des oiseaux)

C’est aussi l’opportunité pour nous de raconter l’histoire de la province, de ses peuples, de sa culture, partager nos connaissances sur la biodiversité locale et les trésors qui nous entourent.

Côté repas, Marycielo met beaucoup de coeur et de passion à proposer des plats de qualité mais qui soient également sains et propres.

Nous avons déjà beaucoup évolué dans notre politique alimentaire depuis notre ouverture en mars 2022, nous travaillons maintenant presque essentiellement avec des produits de notre ferme ou bien des fermes voisines.

Les repas à Chunchu Wasi sont de vrais moments de partage et de convivialité, nous avons souhaité ramener à la ferme cette culture « française » du repas où l’on passe de longs moments à table, où l’on échange et l’on profite de la cuisine de Marycielo.

Donc même à l’heure de manger, on va lentement et on propose de passer de bons moments tous ensemble.

Combien de jours recommandes-tu de passer sur place pour en profiter pleinement?

Dans un souci d’être acteur « slow tourism », d’être en accord avec nos valeurs et nos principes, nous travaillons sous format de séjours de 3 ou 4 nuits minimum*.

La ferme est assez reculée et le trajet de voyage conséquent pour y parvenir, raison supplémentaire pour y rester quelques jours.

* nous nous adaptons cependant aux demandes particulières

Quel est le profil de voyageur vient à Chunchu Wasi?

Après une année d’activité et plus de 120 voyageurs qui sont déjà venus tenter l’expérience Chunchu Wasi, nous sommes en mesure d’établir un profil de voyageurs qui viennent nous rendre visite et il est très large!

Nous avons différents types: 

• des voyageurs en sac à dos de tous âges qui arpentent le globe ou le continent et cherchent des aventures hors sentiers battus
• des familles qui viennent sur des séjours plus longs pour se reposer un peu
• des jeunes retraités qui sont sensibles à nos messages et aiment l’échange de connaissances
• des marcheurs avides de découvrir l’environnement tropical qui nous entoure
• des amoureux de gastronomie curieux de connaître les petits plats de Marycielo
• des spécialistes en observation de la nature souhaitant étudier la faune et la flore

Ces voyageurs ont souvent un point en commun: ils sont amoureux de la nature, privilégient les expériences de voyage et surtout ils ont du TEMPS et prennent le TEMPS dans leur voyage

Comment t’entends-tu avec les autres membres de la communauté locale?

Nous avions décidé de nous laisser 18 mois entre notre arrivée et l’ouverture de notre chambre d’hôtes, étape nécessaire pour moi afin de m’adapter, comprendre le codes de la culture locale et son mode de vie.

Une étape déterminante dans mon intégration à la communauté.

Dans l’ensemble j’ai été plutôt bien reçu, il m’a fallu évidemment opérer des changements et faire des efforts.

Je garde toujours en tête les conseils d’un ami expatrié qui m’a dit en arrivant « le plus important pour toi sera d’apprendre à devenir péruvien » (Antoine G.), je complétais ses mots en ajoutant « sans oublier que je suis Français et ce que signifie être Français ».

Nous vivons dans une zone très reculée du Pérou, souvent oubliée des institutions, il y a  une pauvreté très forte ici et il faut savoir se faire comprendre et accepter avant de démarrer une aventure comme Chunchu Wasi.

Un des piliers de notre projet depuis le départ était son impact sur la zone où nous vivions et sur sa population: comment en faire bénéficier notre voisinage, comment les impliquer ou les intégrer à cette dynamique, comment réfléchir ensemble à prendre conscience de thématiques importantes pour notre futur…

La population locale est donc pour nous un acteur important pour le futur de notre projet à moyen et long terme.

Nous employons des travailleurs locaux pour les besoins d’entretien de la ferme et pour les travaux de constructions.

Nous cherchons à pratiquer l’Ayni dès que nous en avons l’opportunité, et participons à toutes les faenas dans le secteur.

Nous partageons également les dimanches après midi avec la communauté pour les traditionnelles parties de volleyball.

En deux ans et demi, déjà je me sens donc plutôt intégré auprès d’une communauté qui n’avait jamais connu d’étrangers sur leurs terres, avec Chunchu Wasi et les voyageurs francophones que nous recevons nous favorisons également un échange interculturel entre voyageurs et population locale qui est enrichissant et surtout important pour l’éveil des consciences et le changement de mentalité.

• Ayni : entraide au travail via un échange de bons procédés. Je travaille un jour chez toi et tu viens travailler un jour chez moi.
• Faena: obligation collective concernant l’entretien des routes et chemin dans une communauté

Quels ont été tes plus grands défis en lançant ce projet?

Les plus grands défis ne sont pas ceux auxquels nous avons fait face en arrivant pour mettre en place notre projet, mais surtout ceux qui nous attendent maintenant, depuis que notre aventure a commencé.

En amont, le défi était de faire comprendre notre présence et l’activité que nous voulions entreprendre.

Où nous vivons, l’activité principale est l’agriculture et la population en vit presque exclusivement. Il était donc important de bien expliquer que notre projet s’orienterait autour du tourisme, donc définir ce qu’était le tourisme, ses atouts, l’impact qu’il pouvait avoir et comment le développer de manière pérenne et durable en invitant ceux qui me souhaitaient à se joindre à nous

En terme administratif il est très rapide et simple au Pérou de créer sa petite entreprise et de démarrer une activité, la fiscalité et les charges ne sont pas écrasantes et oppressantes et la réglementation plutôt souple.

Une fois mes démarches migratoires satisfaites (en l’occurrence au Pérou ce fût très long et pénible dû aux lenteurs administratives et manque de professionnalisme en la matière) nous avons donc pu lancer notre activité.

Maintenant, les défis sont tout autres.

Notre souhait étant d’installer le tourisme rural / vivencial (chez l’habitant) et responsable comme une alternative durable et pérenne pour les communautés locales, nous allons donc œuvrer à la création et au développement de projets visant  à impliquer les voisins qui seraient intéressés par cette nouvelle activité.

De plus, nous pensons que le tourisme peut être un socle de base fort pour rayonner et impacter positivement des thématiques annexes comme l’environnement, l’agriculture, le social et le culturel.

Nous avons pu observer l’impact négatif de la politique agricole nationale sur notre secteur et nous souhaiterions pouvoir agir pour plus de sensibilisation sur la protection de l’environnement et la conservation de la biodiversité et de ses richesses à travers des projets de reforestation ou d’agriculture organique par exemple.

Nous souhaiterions pouvoir permettre une activité et économie alternative grâce au tourisme qui pourrait directement bénéficier aux acteurs locaux en partageant les valeurs et principes de notre vision du tourisme.

Pouvoir offrir un futur à la jeunesse de notre secteur grâce à des opportunités professionnelles que l’on pourrait favoriser autour du tourisme.

Également travailler sur des projets visant à revaloriser les populations locales sur l’estime de soi, la confiance, la réappropriation culturelle, historique et la transmission des savoirs autour des plantes médicinales et techniques artisanales.

En bref, bons nombres de défis nous attendent devant nous et nous voulons œuvrer pour atteindre ces objectifs primordiaux pour notre futur et le bien être de nos vies ici.

Qu’aimes-tu le plus de ta vie actuellement?

J’aime avant tout le cadre sain et naturel de ma vie à la ferme et dans cette montagne tropicale.

Je me réapproprie le temps et l’espace et je suis devenu l’acteur de ma vie.

J’apprends au quotidien sur la faune, la flore et la richesse de ce qui m’entoure.

J’ai la liberté de pratiquer mes passions que sont la marche, l’observation de la nature et la photographie.

L’endroit est très paisible et tranquille, nous nous nourrissons bien et sainement, à la ferme il y a beaucoup de choses à faire et je suis toujours en activité, on ne connaît pas le stresse ou l’angoisse que pouvait procurer mon quotidien à la ville en Europe.

Il n’est donc pas étonnant de voir comment les anciens d’ici sont conservés, la condition physique dont ils peuvent jouir jusqu’à 60, 70 ans.

Et j’aime par-dessus tout avoir l’opportunité de pouvoir raconter et partager aux voyageurs qui s’aventurent jusqu’à chez nous.

Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui veut se lancer dans un projet de tourisme durable au Pérou?

Au Pérou comme ailleurs, je conseillerai à quelqu’un qui souhaiterait se lancer dans le développement d’un projet de tourisme durable de s’interroger sur les raisons qui le motivent:

S’il répond par l’envie d’accueillir et de partager alors il est déjà en bon chemin. Pour le reste, à tout un chacun sa méthode, sa vision et l’identité qu’il souhaite donner à son projet.

Le tout est de croire en ses principes et d’aller au bout de idées.

Surtout au Pérou où il existe un principal modèle de tourisme qui laisse peu de place aux projets alternatifs, donc ne pas avoir peur de croire en sa vision, même si l’on est débutant dans le domaine.

Il faut toujours être maître de son projet et ne laisser personne le dominer à votre place.

Pour finir, comme dans tout dans la vie, si on fait les choses avec le cœur, avec passion et avec le sourire, ça favorise la réussite.

Si, un jeune entrepreneur en la matière a besoin de conseils ou partage d’expérience qu’il n’hésite surtout pas à venir vers nous, nous serions ravis de pouvoir lui partager notre vécu.

Quels sont tes nouveaux projets pour cette année?

Nous avons des milliers de projets pour les années à venir, à nous de prioriser et d’essayer de les concrétiser un à un.

Nous aimerions reforester les anciens espaces dédiés à l’élevage de bovins ou impactés par les incendies avec des arbres endémiques, monter des projets avec des appuis occidentaux dans le développement de l’agriculture organique et sensibiliser sur son importance. 

Aussi, monter une association d’acteurs de tourisme dans notre secteur et développer un projet de tourisme rural et communautaire, utiliser notre salle de réunion pour organiser des conférences sur des thématiques à enjeux pour notre futur ou proposer des projections cinématographiques et donner plus d’accès aux populations locales à la culture,…

Nous n’avons pas de quoi nous ennuyer pour 2023 et plus, au passage tous les types d’aides et de soutien sont bienvenues

Comment peut-on se rendre à Chunchu Wasi?

Nous prenons Quillabamba en point géographique de référence.

Quillabamba est à 5h de transport de Cusco ou bien 1h30 de transport de Santa Teresa (village de passage sur la route du Machu Picchu)

La ferme se trouve à 2h de Quillabamba vers le Nord. Il est possible d’organiser un service de transport privé depuis Quillabamba vers la ferme.

Un séjour à la ferme est donc idéal au sortir du Machu Picchu puisqu’à proximité de Quillabamba!

Comment joindre Chunchu Wasi

Romain Ferragu et Marycielo Rozas Arroyo Ferragu:

• Whatsapp: +51 991 464 412
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