Premières impressions du Venezuela
Quand Vanessa m’a demandé d’écrire un article sur mon voyage au Venezuela, je ne savais pas trop par quel bout aborder cela. Finalement, dans la ligne que je me suis choisi pour mon blog Les vents nous portent, je parlerai simplement de mon ressenti très personnel.
Je vous considère chers lecteurs suffisamment intelligents pour avoir autant envie de plonger dans un témoignage comme le mien que dans une liste des 10 plus belles attractions du Venezuela. Je ne tricherai donc pas et vous donnerez mon impression sur un pays dans lequel j’ai passé un très bon moment. Vous pouvez lire ici les articles que j’ai publié sur le Venezuela.
Je suis parti au Venezuela en 2012 dans le cadre de mon travail. Je suis musicien. L’Alliance Française nous avait invité avec mon groupe à effectuer une tournée de cinq dates dans le pays : Caracas, Puerto La Cruz, Merida, Barquisimeto, Valencia. Dix jours, autant dire rien. Dix jours en tournée, autant dire voir le pays comme aucun touriste ne le verra. 10 jours cependant d’une belle intensité.
Tourner avec un groupe à l’étranger, c’est voir du pays et rencontrer beaucoup de monde : les membres des alliances françaises, les organisateurs des concerts, les festivals, les traducteurs, les chauffeurs, le public… Mais c’est aussi ne rencontrer bien souvent qu’une partie de la population, celle plutôt favorisée, éduquée et pour le Venezuela : anti-chaviste. Vous l’aurez compris, j’ai passé principalement mon séjour à faire des concerts et à discuter avec les gens. Pour les conseils touristiques, il faudra donc repasser.
Il y a 4 ans, Chavez était encore en vie et au pouvoir et il était impossible de ne pas le remarquer. Partout dans le pays la propagande jouait son refrain entêtant : Que viva la revolucion ! Que viva el Bolivarismo ! Partout Chavez, sur les murs, les panneaux publicitaires, les autoroutes, les villes, les campagnes, partout de grandes fresques à la gloire du commandant et des différents programmes sociaux de son gouvernement. Je n’avais jamais connu cela, un pays sous une propagande aussi poussée. Mais c’ était à peu près l’idée que je me faisais du culte de la personnalité cher aux propagandes communistes du bon vieux temps. Il semblerait que certaines méthodes de communication fonctionneront toujours pour avilir la population et la rendre docile.
Mais il faut bien se dire que le communisme n’a pas le monopole de l’utilisation poussée de la propagande, loin de là. Nos démocraties ont détourné les règles du jeu pour les rendre peut-être plus subtiles, mais le principe de base reste le même : marteler des idées, justes ou fausses, jusqu’à plus soif, elles finiront quoi qu’il arrive par devenir vérité.
Cela dit, j’avais de primes abords une vision plutôt positive d’Hugo Chavez, je connaissais les avancées qu’avait connues le pays depuis son accession : augmentation du niveau de vie et accès à l’éducation des classes populaires, différents démarrages de programmes sociaux, sa position ferme vis-à-vis des Américains contre leur goût prononcé pour asservir les pays d’Amérique latine…
Je n’allais donc rencontrer pratiquement que des anti-chavistes et leur opinion allait être intéressante à entendre et à mettre en perspective avec ma vision pré-établie des choses. On va me dresser un portrait catastrophe de la situation : coût de la vie supérieur aux revenus du travail, pénuries de denrées alimentaires, augmentation de la criminalité, folie administrative, corruption, répression des opposants…
Mais finalement ce qui saute aux yeux vu de l’extérieur, c’est le rôle prédominant de la désinformation, que l’on soit pro ou anti-chaviste, voilà bien la pièce maitresse des fanatismes de tout bords. Entre clichés, faux-semblant et vérités, la complexité du pays empêche tout déterminisme. D’un côté, le culte de la personnalité entretenu par Chavez, la corruption régnant dans son gouvernement et le verrouillage de la vie politique suffisent à détruire toutes les bonnes intentions du régime. En face dans une opposition très hétéroclite, même combat. Au milieu de modérés pouvant peut-être incarner l’avenir du pays se cachent de véritables faucons à la solde des firmes multi-nationales qui voient dans la figure de Chavez un frein au pillage des ressources du Venezuela. Chacun se renvoie la balle et au milieu, la population n’a plus qu’à se positionner : les clivages sont donc importants.
En tout cas, politique et sécurité font partie des sujets les plus ressassés ici comme dans beaucoup de pays d’Amérique latine. Mais chaque pays connait une situation bien différente. En Colombie par exemple, pays sur lequel j’ai beaucoup écris sur mon blog, pays voisin et très proche culturellement du Venezuela, la situation est incomparable.
La question sécuritaire a donc été l’autre thème dont on nous a le plus parlé au Venezuela. Là encore, le contexte de mon voyage faisait que nos hôtes étaient très préoccupés pour notre sécurité. Si on les avait écoutés, il aurait fallu rester à l’hôtel sans jamais sortir. Les anecdotes tout au long du voyage se sont multipliées, des plus cocasses aux plus dramatiques. L’état de stress, de paranoïa et de traumatisme d’une partie de la population est prégnant : tout le monde se barricade dans les maisons (fils barbelés et barreaux à toutes les fenêtres) et dans les voitures (portes et vitres fermés quoi qu’il arrive, pas d’arrêt au feu rouge).
Reste que comme toujours, la vie au Venezuela continue et il serait fort dommage de cantonner le pays à cette question. Il est donc tout à fait possible de voyager et de se balader au Venezuela en respectant les règles élémentaires du savoir être dans de telles circonstances.
Le Venezuela ne semble pas à une contradiction prêt et cela fait partie de son charme. Alors qu’à la tête de l’état le Chavisme affiche un anti-américanisme de tous les instants, on ressent les Vénézuéliens volontiers tournés vers le mode de vie à l’américaine. D’ailleurs, le Baseball est le sport national et la sortie préférée du dimanche est de se retrouver en famille ou entre amis dans les immenses centres commerciaux pour manger et faire du lèche vitrine devant les produits qu’ils se saigneront à s’offrir ou alimenteront leur frustration, un des terreaux les plus fertiles de la violence de nos sociétés. Je dis nos sociétés, car finalement, ce concept de transformer la consommation en loisir récréatif est clairement en train d’envahir la France également et nous ne semblons pas nous en offusquer non plus.
Ici, l’essence est quasiment gratuite et il faudrait, je pense, entrer dans une analyse géostratégique pour comprendre ce que voulait faire Chavez avec la question du pétrole. Toujours est-il qu’il est ici plus facile de remplir le réservoir de sa voiture que les rayons de son frigo.
Finalement beaucoup d’aspects du chaos régnant au Venezuela font totalement partie du charme qui a opéré pour moi en le parcourant : les joies des retards aux aéroports, les vieilles voitures américaines, les jus de fruit, les vieux camions qui balancent leur énorme fumée noire, la musique llanera, les files d’attentes interminables, le pabellon à Barquisimeto, le niveau sonore des villes, les attentes inhumaines au restaurant, les arepas, la conduite au klaxon à Caracas, le poisson grillé et les îles paradisiaques à Puerto la cruz, la culture montagne à Merida… Et puis la chaleur des Vénézuéliens, la facilité pour parler de tout avec eux et lors de nos concerts, une ferveur pour notre musique qui tranche avec la frilosité du public français.
Je ne suis pas dupe, je sais que bien des aspects qui ont fait le charme de mon voyage sont juste un enfer à vivre au quotidien pour la population. Aujourd’hui que Chavez est mort, son successeur Maduro est loin d’avoir la même aura que le comandante. Les élections en 2013 n’ont jamais été aussi serrées et de grandes manifestations populaires ont eu lieu demandant le changement. Mais si les choses changent, souhaitons que ne soit pas au profit des puissants mais bien à celui du peuple vénézuélien.
J’ai aimé toucher du doigt, par petits bouts, tous ces petits pans d’un Venezuela que je vous conseille de découvrir sans aucune hésitation.
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Discussion10 commentaires
Je n’aime pas les listes. Avoir le point de vue très personnel d’un voyageur est mille fois plus intéressant. Alors merci!
Le Venezuela est un pays qui m’intrigue depuis quelques temps. De ce que je sais, depuis ma chaise de bureau, le Venezuela de 2015 – et de 2014 – est bien différent de celui de 2011. La population se fait tabasser dès qu’elle ose manifester et des groupes armés «indépendants» commencent à émerger. Leopoldo Lopez, principal opposant au régime est enfermé dans une prison militaire depuis février 2014 et son droit de caution lui a été refusé. J’aimerais bien comprendre comment ce pays, qui possède de plus grandes réserves de pétrole que les pays du Moyen Orient, n’arrive même pas à offrir une qualité de vie égale à celle de ses voisins, bien moins riches en ressources naturelles. On parle de Cuba et de la Corée du Nord, mais les médias oublient le Venezuela. Pourquoi? A qui profite le silence?
Je comptais visiter ce pays qui a l’air magnifique lors de mon long voyage en Amérique du Sud… mais malheureusement le Salto Angel et le Mont Roraima ce sera pour une autre fois.
Je recommande cet article d’un autre blogueur (http://capitaineremi.com/maraicaibo-venezuela-contre-bande-et-penurie-927/) pour vous faire une idée plus précise de la situation actuelle.
Jessy, je ne m’aventurerai pas à analyser une situation que je ne maitrise pas aujourd’hui. Je pouvais parler de ce que j’ai ressenti en 2011, je peux difficilement réagir sur la situation actuelle même si j’ai des nouvelles de temps en temps de gens là bas qui me parlent de la situation.
Pour te répondre, je ne pense pas de mon point de vue que la situation est énormément changée : la répression existait déjà, les contre-attaques de l’opposition également, les emprisonnements, la propagandes à base de morts dans les deux camps, etc.
Mais la situation est inextricable.
Aujourd’hui la paranoïa du gouvernement de Maduro est peut-être encore plus folle oui que sous Chavez, mais on sait aussi très bien de quoi sont capables les Etats-unis dans la manipulation des conflits en Amériques du sud… Il est pour moi impossible vu de chez nous de comprendre ce qu’il se passe au Venezuela, et encore moins de prendre partie pour l’une ou l’autre partie en présence. Autrement dit c’est un bordel sans nom.
Concernant l’article de l’ami Remi, il reflète une situation qui était la même quand j’y étais et dont je parle entre les lignes dans mon article : pénurie alimentaire, pouvoir d’achat dérisoire, marché noir de la monnaie, insécurité, violence, immeubles délabrés… Quand à Maracaibo, on est là dans une zone encore plus spéciale, à la frontière avec la Colombie où les FARCS sont encore très actifs et bien aidés à priori en sous main par le Venezuela.
Tu peux aller jeter un oeil à mes articles sur le Venezuela sur mon blog : https://lesventsnousportent.com/venezuela-periple-aeroport/ . Il me reste un ou deux posts à écrire. Ici pour Vanessa j’ai essayé de rester concis.
Pour finir sur le pétrole et d’après ce que j’en ai compris à l’époque, la question du pétrole représentait la carte n°1 du Venezuela en terme de politique extérieure pour maintenir un rapport de force avec les Etats-unis, notamment en finançant leurs pires ennemis (Cuba, Syrie, Lybie…), permettant également au Venezuela de jouer dans la cours des grands en devenant l’ami de la Chine, de la Russie etc. Mais également cela permettait à Chavez de faire du troc, comme avec Cuba : Pétrole contre Médecins. Ce qui est sûr c’est que l’idée n’était pas de faire entrer des devises dans le pays via le pétrole !
D’accord, merci pour ces intéressantes précisions. Je ne pensais pas que la situation était déjà si exécrable lors de ton passage en 2011. Ça me tue qu’on en entende pas plus parler dans les médias.
Je vais lire tes articles dans les jours à venir avec grand intérêt!
Jessy, tout dépend les médias que tu suis ! 😉 Le Monde diplomatique ou Courrier International nous parlent souvent du Venezuela par exemple. Après c’est sûr que dans les grands médias, la couverture est on ne peut plus basique et s’apparente plus à souffler dans le sens du vent, le plus souvent anti-chaviste, relayant la propagande américaine… Dans tout cela comme je l’expliquais il faut arriver à faire sa sauce… pas évident..
Hey, super article que je n’avais pas eu l’occasion de lire ! Je continue à me renseigner sur ce pays que j’ai eu l’occasion de visiter brièvement cette année. J’ai envie d’y retourner pour casser mes préjugés et aller au delà des questions de sécurité !
Je me suis permis de faire un lien à la fin de mon article car vous apportez de l’info super intéressante :
http://capitaineremi.com/maraicaibo-venezuela-contre-bande-et-penurie-927/
Et Merci Jessy pour le lien 😉
Merci Rémi, je pense comme toi que je ne suis pas resté assez longtemps dans le pays pour vraiment comprendre la situation et encore moins pour profiter de ce qu’a à offrir le Venezuela. Et encore une fois la façon dont j’ai visité le pays par mon travail a été en plus très particulière, mais oui, le temps passé là bas reste un très bon souvenir pour moi !
Très belle description du Venezuela du point de vue d’un touriste ni blasé ni obsédé par la question sécuritaire comme peuvent l’être les occidentaux mais aussi leurs hôtes. Par ailleurs, la question du pétrole est en effet centrale, et il va falloir que le pays trouve des solutions pour son peuple.
Merci Sandrine ! Je pense qu’aujourd’hui le première problématique du pays est de trouver une alternative politique pour gouverner le pays qui ne soit ni issue du chavisme ni issue des ultra-libéraux pro-américains, une troisième voix en quelque sorte pour réinventer encore une fois le Venezuela de demain.
Bonsoir Samuel! j’ai trouvé ton article par hasard! et bon la situation qui se passe dans mon pays est lamentable, oui je suis vénézuélienne 🙂 j’ai du quitter mon pays ca fait deja un an, et la situation a été aggravée depuis que je suis là , est incroyable…Merci pour ton intérêt au Venezuela, est vraiment un beau pays avec beaucoup de potentiel mais maintenant il est dans les mauvaises mains…
Merci Emma pour ton commentaire, oui j’ai beaucoup aimé mon passage au Venezuela, si cela t’intéresse, j’ai écris des articles plus détaillés sur mon blog : https://lesventsnousportent.com/venezuela-periple-aeroport/. Je serai ravis de recueillir tes impressions si cela t’intéresse. Je ne peux pas imaginer ce que vous, venezolanos, pouvez ressentir de la situation… J’ai une amie là-bas qui me donne des nouvelles de temps en temps, cela me permet de rester au contact un peu avec l’actualité du pays, mais déjà que quand on est là bas, c’est compliqué, d’ici en France c’est impossible de saisir ce qu’il se passe vraiment. … Animo Venezuela !