Ascensions, défis et conseils
« 10k Walk », c’est Elliot et Hervé, deux amis qui se sont lancés tout un défi: parcourir à pied l’Amérique latine, de Mexico à Ushuaia. Ils nous avaient déjà présenté leur aventure en Amérique centrale, en Équateur et au Pérou alors qu’ils se trouvaient en Bolivie.
Ayant terminé leur voyage en Bolivie, ils ont bien voulu partager leur bilan, une traversée à pied unique dans un paysage aride, avec l’ascension du Tunupa, Huayna Potosi, Licancabur et Sajama.
Quel a été votre itinéraire en Bolivie?
Nous avons uniquement marché sur l’Altiplano, un haut plateau qui s’étend à l’ouest de la Bolivie, du lac Titicaca à la région du Sud Lipez à une altitude comprise entre 3500 et 4500 m.
Un climat sec, chaud la journée (15° / 20°) mais très froid le soir (-10° à -25°) et parfois très venteux, surtout l’après-midi.
Tout cet itinéraire a été marché de bout en bout. Les seules fois où nous avons pris des bus, c’était pour se reposer dans les villes de Patacamaya (1 jour) et Sucre (3 jours). Nous sommes à chaque fois revenus à l’endroit exact où nous nous étions arrêtés pour poursuivre la marche.
Au total, 37 jours de marche 1050 km et 7 jours d’ascensions.
Partis du lac Titicaca nous avons rejoint à travers la pampa le parc national Sajama pour notamment effectuer l’ascension du Nevada Sajama. Puis nous avons attaqué la région des salars avec celui de Coipasa (50km), puis de Uyuni (80km) et enfin celui de Chiguana (25km). Cette dernière traversée marquait notre entrée dans le désert du sud Lipez que nous avons traversé pendant nos 15 derniers jours pour finalement arriver à San Pedro de Atacama, ville frontière entre la Bolivie et le Chili.
Quelles sont vos impressions du pays?
Concernant le paysage, c’était assez désertique voir lunaire !
Rien à voir avec l’Amérique centrale, mais aussi très différent du chemin Inca que nous traversions en Équateur et au Pérou où, même si à certaines altitudes (>3500) rien ne poussaient, la globalité restait assez bien pourvue en végétation et rivières.
Sur l’Altiplano, à part la « pampa »; une terre sableuse et de tous petits arbustes, rien à l’horizon, et surtout pas d’eau à part celle des quelques lacs et lagunes (non potable).
La communauté qui vit sur l’Altiplano est majoritairement Aymara, (2,2millions de locuteurs du Pérou au Chili), la communauté indigène dont est originaire le président Evo Morales.
Ce dernier est d’ailleurs adulé dans la région, car il a notamment crée la loi antiracisme qui protège les indigènes des discriminations dont ils faisaient l’objet dans certaines zones frontalières avec la jungle, dans le « Valle » où se croisent les populations plus blanche de l’Amazonie (proche brésil) et les Aymara.
Les Aymara vivent sur ces hauts plateaux mais la vie y est difficile; les axes routiers sont peu développés dans les campagnes et les matériaux de constructions sont rares; les maisons sont faites en briques de « boue » et il y fait froid à l’intérieur. Impossible ou difficile de se chauffer au bois car il n’y en a pas…!
Enfin l’eau est une denrée rare à certains endroits (notamment proche des Salars – eau salée que l’on a eu le plaisir de boire plusieurs jours lors des traversées de Coipasa et Uyuni !).
Rien ne pousse ici, les seuls champs existants tirent un peu la tronche, des tranchées creusées dans la terre/sable pour faire pousser des patates.
Celles-ci ne sont d’ailleurs pas toujours mangées cuites…! La pomme de terre est mise a trempée 15 jours dans l’eau gelée puis séchée pour faire du « chuños »; une nouvelle patate mais noire que tout le monde mange.
Les légumes se font donc rares, tout comme le bétail (climat et peu de végétation) et à fortiori la viande et les laitages.
Les Aymaras se contentent donc de peu mais n’en sont pour le moins généreux.
Ils ne sont pas peureux comme l’ont pu être certains Incas au Pérou (femmes et enfants qui courent ou se cachent en nous voyant arriver!) mais l’on sentait un certain orgueil, une certaine fierté.
Cela se traduisait par une sorte de “je m’en foutisme” en nous voyant arriver, dans le sens où notre présence n’avait pas forcément l’air de susciter une attention particulière, comparée aux “andale arriba chicos” en Amerique Centrale.
Et c’est là que la “magie” opère ! Effectivement, nous sommes toujours à la recherche du contact avec les locaux, par envie et par nécessité, car il nous faut trouver à manger, boire, et pourquoi pas dormir au chaud plutôt que de camper.
Instinctivement, nous nous dirigeons vers les commerçants, ou des gens qui circulent dans le village pour leur demander des informations : qui prépare à manger (contre rémunération bien entendu) , peut-on dormir dans un local?, l’eau est-elle potable? etc.
Bien évidemment ce processus prend généralement un peu de temps, ce qui nous permet justement de discuter avec plusieurs personnes, une personne en attirant d’autres, etc. Surtout, nous nous rendons compte que les Aymara sont une communauté d’entraide, de débrouillardise, et qui ne laissent pas les gens “dans le besoin” sur le carreau.
Combien de fois des personnes ont remué “tout” le village pour nous aider à trouver nourriture, eau et logement. Combien de fois nous a-t-on aussi proposer un repas gratuit, du pain.
Pour conclure sur les Aymaras, on va dire qu’ils ne sont pas très chaleureux de prime abord, comme nous l’avons dit, ici, ce n’est pas le Mexique; climat chaud, sauce piquante et prêts à danser toute la nuit, ici la vie est plus dure, le folklore moins extravagant, les visages et corps marqués par la dureté de l’Altiplano. Pour autant, ces gens sont très amicaux, généreux dans leur volonté d’aider.
On pense notamment à cette nuit que nous nous apprêtions à passer sous la tente, près d’une maison qui semblait habituée mais inoccupée à ce moment là. Une vieille dame dont nous n’avons malheureusement pas consigné le prénom rentre de son champs, nous discutons 2 minutes et lui demandons très directement et franchement (pas d’arabesques ici, il faut dire ce que l’on veut ou ne veut pas, contrairement à chez nous où l’on tourne autour du pot 300 ans !) si nous pouvons dormir chez elle.
Celle ci nous répond aussi très clairement, sans poser de questions : ok pas de soucis, et nous ouvre les porte de sa maison, nous pouvons dormir sur le sol, entre 4 murs, c’est parfait.
On peut penser qu’elle s’en fiche complètement de nous, elle nous laisse faire notre vie, nous confie même sa maison le temps de s’absenter 30 minutes, et nous demande de récupérer l’argent qu’un paysan doit lui apporter, ce que nous avons fait (on ne vous raconte pas la surprise du paysan!).
Et finalement à son retour, nous allons“garer” ses lamas et alpacas avec elle, puis elle pèse, touche, fouille notre sac en posant plein de questions, très curieuse ! Nous partageons même des crackers-mayo, notre “folie” en Bolivie pour agrémenter les repas !
Et oui car au bout du compte, à plusieurs reprises nous avons entendus que nous étions les premiers touristes à s’arrêter dans le village, et après un premier contact toujours un peu “froid”, ce sont finalement beaucoup de questions, d’intérêts et de curiosité portés à notre égard, ce qui nous a aussi valu un bon nombre de photos !
Quels ont été les moments forts de la Bolivie?
Moment difficile pour le groupe: l’ascension du SAJAMA comme évoqué dans l’article précédent.
Deux moments physiques aussi difficiles furent la traversée du sud Lipez et l’ascension du Tunupa.
Le Tunupa, c’est notre première ascension en solo! Vraiment une bonne satisfaction de l’avoir fait. Nous sommes partis à 2h du matin afin d’assister au lever du soleil. Incroyable! Ce fut une journée éprouvante car la descente. Nous avons “surfé” sur les graviers du cratère pendant 30 minutes incroyables mais après il a fallu crapaüter des heures pour rejoindre la piste qui redescendait. Au total 22km et 12h de marche! CREVÉS mais extrêmement satisfaits! Le lendemain nous attaquions notre première journée dans le Salar d’Uyuni soit 40km de marche sur le sel… pas vraiment un jour de marche tranquille.
La traversée du Sud Lipez c’est aussi pas mal de rencontres avec les chauffeurs où des touristes qui trouvaient incroyables ce que nous faisions. C’est franchement un sentiment de fierté de voir que notre aventure peut impressionner. En tout cas les journées dans ce désert n’étaient pas faciles. Il y avait beaucoup de vent et une piste sableuse rendant les pas compliqués. C’était très fatigant. Toutefois les paysages et les personnes rencontrées ont permis de surmonter ces difficultés…et puis si ça va mal on crie un bon coup, on jette ses bâtons, on devient fou 2 min et on repart…tranquille.
Avez-vous fait l’ascension du Licancabur en solo?
Nous étions sur le point d’atteindre le camp de base lorsque deux voitures en descendent et s’arrêtent à notre niveau. Martin, guide de montagne revenant de l’ascension avec des touristes, nous dit qu’il est interdit de faire cette ascension en solo. Ce sont les règles du parc national. D’ailleurs, il est aussi interdit de camper au camp de base…
Nous sommes un peu énervés (la journée fut éprouvante avec le vent, le froid…) et nous essayons de négocier. Clairement nous ne voyons pas pourquoi nous devrions prendre un guide alors que cette ascension n’est en aucun cas technique et que nous avons la trace GPS. Nous sentons que les locaux souhaitent se faire un peu d’argent et cela agace légèrement.
Nous comprenons toutefois son point de vue car il faut une bonne forme physique et s’y connaître un peu (trace GPS obligatoire!) pour faire ce genre d’ascension et le parc national ne peut pas se permettre de faire des exceptions. Nous sommes donc logés à la même enseigne que tout le monde et devons ainsi rejoindre le Refuge Blanca (11km de marche en plus…) pour éventuellement essayer de trouver un guide qui pourra nous faire faire l’ascension le lendemain.
Arrivés au refuge, nous parvenons à trouver un compromis avec Martin qui nous emmènera le lendemain matin. L’ascension s’est très bien passée. Malgré la fatigue accumulée des dernières semaines, nous arrivons au sommet en 3h30. Nous descendons très rapidement en “surfant” sur les graviers. Descente bouclée en 1h. Martin repartira dans son 4*4 vers le refuge. Quant à nous, nous décidons de refaire ces 11km à pied afin de profiter de nos derniers instants en Bolivie avec ces paysages tout de même fantastiques. La veille nous étions trop énervés, fatigués pour regarder autour de nous.
Quel est l’équipement nécessaire? Est-ce très exigeant?
Rien de spécial. Il n’y a pas de neige. Une bonne paire de chaussures de trek (montante de préférence car il y a beaucoup de gros cailloux rendant les appuis hasardeux), des lunettes de soleil et une paire de gant car il fait vite froid si le vent se lève. Niveau vêtement, un t-shirt et un pull suffisent avec un coupe vent si besoin est. Prenez aussi une polaire dans le sac au cas où. Vous en aurez aussi peut être besoin au sommet.
Niveau difficulté, c’est difficile pour nous de juger. Nous avons fait notre ascension alors que cela faisait 4 mois que nous marchions à une altitude moyenne de 4000m avec déjà 3 ascensions derrières nous. Nous sommes vraiment en très bonne forme physique et l’altitude ne nous affecte plus beaucoup.
Un autre groupe faisait l’ascension le même jour. C’était un groupe de quinquagénaire rompus à la montagne. Ils ont commencé l’ascension à 3h du matin et sont arrivés au sommet en 7h. La descente leur a pris 2h/2h30.
Un conseil: le plus important dans ces ascensions est de garder un rythme cardiaque toujours constant. Le terrain est sujet au fractionné mais il est important d’essayer de niveler ce rythme pour garder un rythme de respiration constant. Bien souffler pour évacuer le CO2 car évidemment on prend moins d’oxygène quand on inspire à cette altitude.
Quels seraient vos conseils pour ceux qui veulent tenter l’aventure en Bolivie à pied?
1.Il faut une préparation très sérieuse de l’itinéraire. Savoir où il y a des villages, des points d’eau… Ce sont des régions assez hostiles où le froid et le vent sont extrêmement gênants. Notre itinéraire était celui de Simon Dubuis (Yunka Trek). L’itinéraire était ainsi conçu pour que nous n’ayons pas plus de 2 jours en autonomie. Assez paradoxalement, la traversée du désert du sud Lipez n’a pas posé de problème en termes de ravitaillement que nous trouvions pratiquement chaque jour. En effet, c’est un endroit très touristique et tous les 4*4 qui le traversent se sont arrêtés pour comprendre ce que nous faisions ici, à pied. Les chauffeurs et les touristes ont été extrêmement gentils avec nous! Nous avions tout de même pris 3kg de nourriture chacun pour ces 15 jours car on ne peut jamais être sûr de ce qui se passe dans ces régions…
2.Il faut un itinéraire qui respecte votre vision du voyage. Comme déjà énoncé dans l’article précédent, The 10K Walk, c’est 3 axes principaux: défis sportif, découverte culturelle et apprentissage de nouvelles compétences. Notre itinéraire était ainsi prévu pour répondre aux axes définis:
Défis sportifs:
-
- se challenger sur de haut sommets (Huayna Potosi (6088m, avec guide), Sajama (6545m, avec guide), Tunupa (5370m, sans guide) et Licancabur (5900m, avec guide « forcé »)
- Traversées de salars
- Traversée du désert du sud Lipez
Découverte culturelle:
-
- découverte de la culture indigène Aymara
Apprentissage:
-
- Alpinisme
- Ascension en solo (Tunupa)
Le livre de 10k Walk
Bonne nouvelle! Ils ont maintenant le récit illustré de ce périple!
Pour en savoir plus sur le livre: Page Facebook / Instagram / Site web
La carte de leur itinéraire: http://the10k.travelmap.fr/
Toutes les photos sont la propriété intellectuelle de The 10k Walk
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DiscussionUn commentaire
Quelle ascension ! Je n’aurais jamais été capable d’entreprendre un tel trek. J’ai adoré votre description des Aymara. Ces rencontres ont dû être vraiment, vraiment spécial.